Brève Histoire de Six-Fours des origines à nos jours

Remarque préliminaire : de l’Antiquité au XVIIe siècle le « grand Six-Fours » comprend aussi La Seyne , Saint-Mandrier et même, par moments, des portions de Sanary ou d’Ollioules.

Six-Fours avant l’Histoire : Premières occupations…

Quelques traces intéressantes d’occupation pré ou protohistorique, des silex taillés découverts en 1943 à la Coudoulière, les restes d’un abri habité à l’âge du cuivre découvert en 1955 à la pointe du Mal dormi par exemple, mais une occupation pérenne,  même durant l’âge du fer, demeure hypothétique.

V° av. J.-C. – V° ap. J.-C. : Six-Fours dans l’Antiquité :
Aux Grecs de Massalia succèdent les Romains…

Fin du Ve siècle av. J.-C. : Les Grecs de Marseille( Massalia alors cité grecque ) créent un site commercial au  cap Mouret, site déserté aux alentours de 350 av. J.-C.
Ces Grecs commercent avec les Ligures qui dominent l’intérieur du pays depuis le Mont Garou et la Courtine au-dessus d’Ollioules, comme en témoignent les restes de céramiques et les monnaies massaliotes.
A partir du IIIe siècle av. J.-C., les Grecs de Marseille créent  au Brusc le port de Tauroeis et sa citadelle, l’implantation portuaire s’étendant, jusqu’à l’île des Embiez. Les vestiges de cette période, encore visibles au début du XX° siècle, ont disparu depuis, hormis un aqueduc souterrain au Brusc et des épaves étudiées par l’archéologie sous-marine.

Illustration: Cahier du Patrimoine Ouest Varois n°11, Foyer P. Singa,l 83110.

En 125-124 avant J.C., les Romains interviennent dans la région. Ils soutiennent leur allié marseillais dans une guerre contre les Ligures. A la suite de leur victoire, une bande côtière d’environ 5 km de large est laissée aux Marseillais tandis que les Romains commencent à s’installer dans l’arrière-pays.

Mais en 49 av. J.-C ,Marseille soutient Pompée contre Jules César. Dans la baie de Tauroéis, la flotte marseillaise qui affronte la flotte de Brutus, partisan de César, est battue…Marseille vaincue cède aux Romains la zone cotière et Tauroéis  qui devient Taurentum.
Les Romains aménagent alors cette bande cotière qui recouvre l’essentiel du Six-Fours actuel :
Les terres agricole sont redistribuées en centuries carrées de 50 ha, selon un cadastre orienté N-25°Est,  probablement aux soldats romains démobilisés, aux vétérans (mais les populations locales ne sont pas forcément exclues).
Aux I° et II° siècles apr. J.-C, en particulier sous Auguste, c’est tout l’arrière pays qui est mis en valeur , en particulier les plaines humides. Un nouveau cadastre orienté N-1° y partage les terres comme dans une grande partie de la nouvelle province de Narbonnaise. On  retrouvera dans la région les trois cultures principales de la méditerranée romaine :Vignes, oliviers et céréales.
(Les traces de ces deux cadastres se retrouvent encore dans le paysage : chemin, limites parcellaires, murets et c…)

Hypothèse (à affiner) : Au premier siècle ap J.C. le « grand Six-Fours » regrouperait 2000 à 3000 habitants, installés en grande partie à moins de 50 m d’altitude, dans les plaines et les zones côtières ou dans la citadelle même de Tauroentum, port toujours actif à l’époque romaine et bien placé sur les grands itinéraires maritimes  où il est associé systématiquement à Antibes, Olbia et Marseille.

Aux IV° et V° siècles,  le christianisme se diffuse en Provence. Religion auparavant persécutée elle devient tolérée puis religion officielle de l’Empire sous Théodose en 394.
Présente d’abord dans les grandes cités (Marseille au III°siècle) la religion chrétienne gagne ensuite les petites cités ( Un premier évêque connu à Toulon en 441) puis les campagnes.
Aucun vestige ou monument attestant le christianisme à Six Fours n’a été répertorié pour cette période

VI°-X° siècles : la  prospérité disparait avec l’écroulement de l’empire romain :La Provence,  entre le VIe et le Xe siècle, est constamment pillée et dévastée.


Les invasions se succèdent dès le  V° siècle. Les Goths s’installent en Provence et Odoacre dépose en 476 le dernier empereur romain d’occident. Suivront cinq siècles d’insécurité, de guerres et de pillages et d’abandons des campagnes.
Six-Fours, certainement a été victime de ce sombre bilan, mais nous en ignorons l’importance et les détails, car une véritable « nuit documentaire » de plus de quatre siècles nous réduit à de simples supputations. En effet, de la fin de l’Antiquité au Xe siècle, nous ne savons rien de Six-Fours ; toutefois , les plaines et les zones côtières apparaissent abandonnées (en partie ? totalement ?) et la population survivante s’est probablement réfugiée sur les hauteurs (futur village médiéval de Six-Fours).
Parmi les peuplades germaniques qui s’affrontent pour dominer la Provence, les Francs  devenus catholiques, vont s’imposer progressivement avec l’appui de l’Eglise.

Aux IX° et X° siècles, les pirates grecs, les Normands et les Sarrasins ravagent à leur tour la Provence… Tout change avec la capture par les Sarrasins installés dans les Maures de Mayeul, abbé de Cluny, en 972.
Le Comte de Provence , le franc Guillaume le libérateur réussit à regrouper suffisamment d’hommes pour vaincre les sarrasins. Surtout il pacifie le pays et distribue les terres vacantes à ses guerriers et aux abbayes… Le vicomte de Marseille et  l’abbaye de Montmajour (implantée à Six Fours depuis une dizaine d’années)  sont ainsi reconnus coseigneurs de Six-Fours où un premier château , probablement une simple tour entourée d’un rempart rudimentaire  se trouve à l’emplacement du fort actuel.
les campagnes revivent… le système féodal se met en place.

Guerriers X°siècle d’après manuscrit Bibliothèque nationale ms.lat.6 . Illustr. in Histoire de France Victor Duruy 1892.

Six-Fours au Moyen Age (du X° au XV° siècle)


Un village perché et blotti autour de son château féodal.

Des seigneurs qui changent du Xe au XIIe siècle
D’abord  donc le vicomte de Marseille et l’abbaye Saint Pierre de Montmajour (Arles) sont les seigneurs de ce château qui fait partie du comté de Toulon, un territoire aux limites imprécises. L’abbaye de Montmajour d’Arles possédait  aussi ses fermes,  des salines aux Embiez et des pêcheries, mais le plus gros de ses domaines se trouvaient dans la vallée de l’Argens à l’Est de Toulon.
L’abbaye Saint Victor de Marseille, en pleine expansion…avec des domaines de plus en plus nombreux dans la région de Six Fours ( St Jean des Crottes, St Nazaire, mais aussi l’actuel Saint-Mandrier et le moulin Baudoin sur la Reppe ,etc) récupère au début du XII°siècle la part de seigneurie de Montmajour ainsi que ses terres sur Six Fours.
En 1156, nouveau traité cette fois avec les vicomtes de Marseille, Saint Victor devient l’unique seigneur de Six Fours… et ses biens sont considérables. A cette occasion les limites de la seigneurie sont définies avec précision et bornées. ( Cartulaire de St Victor acte 244)

A partir du XIe siècle:  grands défrichements, assainissement et expansion agricole.  La zone de Six-Fours et Ollioules devient même le  grenier à blé de la région, d’où une relative aisance.
En témoignent non seulement des tombes et des céramiques mais aussi les deux monuments religieux qui n’ont pas disparu depuis :
La partie romane de la collégiale Saint Pierre ; construite à l’extérieur des remparts du vieux village vraisemblablement  au XIII° siècle.
La chapelle Notre-Dame de Pépiole qui date probablement pour sa nef centrale du XI° siècle et pour le reste fin du XII° ou du XIIIe siècle (recherches en cours).
Les constructions médiévales du vieux Six-Fours dont l’Eglise Ste Marie de la Courtine ont bien sûr disparu avec la construction du fort actuel fin XIX°.

Au XIII°siècle et au début du XIV°siècle, le commerce s’intensifie alors que la Provence est devenue un véritable état. En témoignent les fragments de céramiques d’origine plus lointaine Vallée du Rhône, Italie… En1315, on compte alors 150 feux , soit environ 750 habitants résidant pour la plupart à l’abri des remparts autour du château.
Les malheurs du XIV° siècle frappent cependant la communauté : disettes, famine, peste noire de 1348, guerres. La situation s’est-elle améliorée par la suite ? Sans doute, mais de façon très relative, car en  1471 (un siècle plus tard !) Six-Fours ne compte que 475  habitants.

Fin XV° – Début XVII° :
Deux siècles de croissance et de relative prospérité.


1486  Rattachement de la Provence à la France : Le développement de Toulon entraine la croissance voire la prospérité de Six-Fours pendant un siècle et demi….
Toutes les activités liées à la mer et au négoce semblent se développer au fur et à mesure que le port de Toulon voit sa fonction militaire s’affirmer. De plus en plus de six-fournais ont désormais des métiers liés à la mer : marins, capitaines, calfats, charpentiers de marine…
Témoignent de la prospérité de Six-Fours les constructions d’églises ou de chapelles sur lacolline : St Roch 1521, Ste Croix 1525, Ste Elme 1556, Ste Barbe 1583,puis l’agrandissement de la collégiale Saint Pierre (Nef  gothique tardif :1610).Pour ces lieux de cultes de nombreuses œuvres d’art sont commandées : Citons la statue de la vierge de Pépiole ( fin XV°)le polyptyque de la Madone de Ludovico Brea (1520)ou la remise des clefs à saint Pierre de Guillaume Grève de (1624).
En témoigne aussi la nouvelle enceinte achevée en 1633 qui touchait désormais la collégiale Saint Pierre en agrandissant le village de près d’un hectare.
En 1593 le port de La Seyne est creusé et plusieurs familles six-fournaises se fixent aux alentours.

Cette prospérité est cependant relative…
Comme ailleurs en France les intempéries et aussi les guerres entrainent des années de crises : années de disette voire de famine, années aussi d’épidémies : trois années de disette et plusieurs guerres au XVI°siècle, douze années de disette et plusieurs épidémies au XVII°siècle.

Le village de Six Fours fut aussi touché par les guerres de religion…
Il y avait très peu de protestants dans cette partie de la Provence, mais après la mort de Henri III en 1589 le fait que son successeur Henri IV soit protestant provoque l’insurrection de la Ligue( catholiques extrémistes), une véritable guerre civile commence dans la région. Le village de Six-Fours après Ollioules et Sanary se voit attaqué, pris et occupé par un groupe de ligueurs ; à leur tête Anthoine  Boyer, auparavant capitaine et armateur d’un petit navire marchand à Sanary. En 1495 Henri IV abjure sa foi protestante… Anthoine Boyer se rallie à lui et fait alors crier par les villageois « vive le Roi !». Henri IV lui sera reconnaissant et lui donnera le château de Bandol et la concession des pêcheries de la Ciotat à Antibes.


Milieu XVII° – Fin XVIII° :
Plus de deux siècles de temps difficiles pour Six-Fours
.


Tout change pour Six Fours au milieu du XVII°siècle…
Les habitants de La Seyne devenus nombreux refusent de continuer à dépendre de la Communauté ( commune) de Six_Fours et des obligations que celle-ci impose : en 1615 les consuls de la Communauté de Six Fours saisissent la justice pour obliger les Seynois à venir cuire leur pain dans les fours à pain du village fortifié…Il en était de même pour l’abattage des bêtes destinées à la boucherie… Mais la Justice royale donne raison aux Seynois en 1631 puis en 1636 les autorise à élire leurs représentants communaux. Vingt ans plus tard La Communauté de la  Seyne est officiellement séparée de celle de Six-Fours grâce à l’appui apporté par le Cardinal Mazarin alors abbé de Saint Victor et ministre de Louis XIII. Six Fours perd son port et plus de la moitié de ses habitants…

Dispersion de la population dans la plaine
Le XVII°siècle voit aussi, malgré l’opposition de la Communauté, un véritable exode des agriculteurs du village qui s’installent dans la plaine en y fondant des hameaux aux maisons serrées autour du puits commun qui marquent encore le paysage actuel. Une cinquantaine de hameaux sont fondés par les  vieilles familles six-fournaises et  portent souvent leur nom .C’est dans ces hameaux que se construisent désormais les chapelles : Notre Dame de Reynier en 1646, Notre Dame d’Abondance aux Playes en 1674, Chapelle Saint Martin en 1678…

Illustration Cahier du Patrimoines de l’Ouest Varois n° 11


Stagnation économique et démographique :(2° moitié du XVII° et XVIII°siècle) .
L’essentiel de l’activité économique de Six-Fours redevient donc l’agriculture et une agriculture qui peine à se moderniser alors que les problèmes climatiques s’accentuent : sécheresse l’été et hivers rigoureux…( on parle de petit âge glaciaire)Dont témoigne l’évolution de la population qui stagne : 2527 habitants en 1696, près de 200 ans plus 2633 en 1886 deux siècles plus tard…

La Révolution n’épargne pas Six-Fours.
(paragraphe en cours de travail : Recherches en cours)
1789 voit d’abord la rédaction du cahier de doléance du Tiers Etat de Six-Fours au moment des élections aux Etats généraux.  Comme ailleurs l’ancien conseil de la communauté cède la place à la nouvelle municipalité et les six-fournais participent aux évènements révolutionnaires.
Cependant pillage des trésors de la collégiale, destruction d’une partie des archives de la communauté, confiscation des objets de culte de l’église de Reynier, transformée en dépôt de fourrage, vente des chapelles et des biens d’église comme biens nationaux accompagnent le mouvement révolutionnaire.

Lors du siège de Toulon en 1793, Bonaparte fait armer les batteries  côtières de la commune. La victoire des républicains provoque la fuite d’un certain nombre de royalistes six-fournais. Le maire Joseph Beaussier, est exécuté (20 prairial an II-8 juin 1794)).

XIX° siècle : une démographie qui manque de dynamisme malgré une reprise des exportations de produits agricoles et une modernisation des infrastructures.

Illustration Cahier du Patrimoine de l’Ouest >Varois n°11 « Six-Fours »


Le glissement de la population vers la plaine s’intensifie au cours du XIXe siècle. La mairie actuelle est construite en 1831 à Reynier, au cœur de la plaine. Des écoles sont créées à Reynier, aux Playes, au Brusc en attendant la construction d’un groupe scolaire important pour l’époque en 1882-1884 à Reynier.
 Le « vieux Six-Fours » désormais, s’étiole et est pratiquement abandonné lorsqu’en 1875 démarre la construction du fort (achevé en 1881) dominant  notre commune.

Des temps anciens  ne subsistent plus aujourd’hui que la collégiale Saint Pierre ainsi que les ruines de la chapelle Saint Elme et le cimetière.

XX° siècle : un village qui devient  la ville

Au début du siècle, l’entrée dans la modernité

Installation des premières distributions d’eau publique (Reynier, 1896 ; le Brusc, 1903). Construction d’un port privé en 1901 à La Coudourière par les tuileries Romain Boyer en plein développement.
Création des coopératives agricole (1904) et vinicole (1924)
Développement de nouveaux modes de transport : autobus, tramway assurant à partir de 1917 le service des voyageurs de La Seyne jusqu’au Beausset en passant par Reynier.

Ouverture d’un cinéma à Reynier en 1914.

L’impact des deux guerres mondiales:

Durant la première guerre mondiale, soixante-six Six-Fournais meurent pour la France dans les combats des fronts occidental et oriental. En leur hommage est inauguré en 1922 un monument aux Morts situé à la sortie du village de Reynier  en direction de La Seyne, déplacé par la suite et est situé aujourd’hui face à la mairie, allée Maréchal de Lattre de Tassigny.

Au cours de la seconde guerre mondiale, Six-Fours est occupé à partir de 1942, d’abord par les Italiens puis par les Allemands qui installent de puissantes batteries anti-aériennes sur le fort. Des fortifications, des batteries sont construites par l’occupant en particulier le long du littoral, de larges zones, évacuées par leurs habitants, sont minées, des maisons détruites (les Lones, le Brusc…). La commune n’échappe pas aux bombardements jusqu’à sa libération le 25 août 1944 par les troupes de la 1° armée française du général de Lattre débarquées dix jours plus tôt seulement à Fréjus, troupes aidées par la Résistance locale.
Quatre ans plus tard, Six-Fours reçoit la Croix de Guerre.

Le basculement, une urbanisation galopante.

Amorcé au début du siècle, le changement s’intensifie au sortir des deux conflits mondiaux, la commune s’orientant progressivement vers le tourisme, ce dont témoigne d’ailleurs sa dénomination (Six-Fours la Plage en  1923, Six-Fours les Plages en 1973).

 Bourgade semi-rurale pendant toute la première moitié du XXe siècle (4750 habitants en 1946), Six-Fours devient par la suite l’une des communes les plus peuplées de l’agglomération toulonnaise (32 741 h en 1999). Face à la croissance de sa population (9 000 h en 1962 plus de 20 000 en 1975)  liée à l’arrivée des rapatriés d’Algérie au cours des années soixante, au développement du tourisme, la commune connait une urbanisation spectaculaire. Immeubles et résidences secondaires couvrent le territoire communal, noyant progressivement les anciens quartiers et provoquant le recul de l’espace rural. La ville se dote de nombreux équipements collectifs (scolaires, sportifs, culturels).